Par voie contractuelle, il peut être mis à la disposition du salarié un véhicule dont le retrait emporte des effets différents selon les modalités convenues d’utilisation, soit un usage strictement professionnel (1), soit un usage mixte, c'est-à-dire professionnel et personnel (é).
1 – Retrait du véhicule à usage strictement professionnel
a/ A l’occasion du préavis
La mise à disposition d’un véhicule strictement dédié à des fins professionnelles n’est qu’une faculté laissée à la discrétion de l'employeur et non un avantage en nature dont la suppression modifie le contrat de travail. Le salarié dégagé de toute obligation d'accomplir son préavis, doit restituer à l'entreprise le véhicule de fonction mis à sa disposition (CA Versailles 20 janvier 2000 n° 97-21663, 15e ch., Bordes c/ SA Vidéo Communication France) et il ne peut réclamer un complément d'indemnité, en contrepartie de la perte du véhicule.(CA Versailles 28 septembre 1987 11e ch., Clerc c/ SEREP.)
En conséquence, le défaut de restitution est donc fautif (Cass. soc. 17 décembre 1987 n° 4504 D, Giraudon c/ Sté Savoie Automobile).
b / A l’occasion de l’exécution du contrat de travail
Le véhicule mis à disposition pour une utilisation strictement professionnelle n’étant pas un avantage en nature, son retrait ne porte pas atteinte à la structure de la rémunération du salarié.
En conséquence, faute d’avoir modifié le contrat de travail, la prise d’acte de rupture fondé sur le retrait du véhicule à usage professionnel s'analyse en une démission (CA Versailles 6 mars 2008 n° 07-1303, Cupillard c/ Sté Renault.)
2 – Retrait du véhicule à usage professionnel et privé
a/ A l’occasion du préavis non réalisé
Dans le cas d’un licenciement pour faute grave ou lourde, la rupture intervient avec la notification : il en est donc de même de la restitution du véhicule de fonction. Toutefois, s’il est jugé que le salarié a été, à tort, licencié pour faute grave ou lourde, il est recevable à demander une indemnité au titre de l'avantage en nature constitué par la mise à disposition d'un véhicule de fonction à usage professionnel et personnel. Cass. soc. 2 juillet 2003 n° 1858 F-D, Monnier c/ Sté Gimag)
Aux termes de l’article L 1324-5 recodifiant l’article L L 122-8, « l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis »
Il s’en déduit que l’employeur ne peut imposer unilatéralement à un salarié d'effectuer son préavis dans des conditions qui constituent une modification de son contrat de travail.( Cass. soc. 6 juin 2001 n° 2641 F-D, SA Richard Satem c/ Kamel.). Or, une privation d'un avantage en nature, tel qu’un véhicule de fonction constitue une modification du contrat de travail (Cass. soc. 14 juin 2007 n° 06-40.877 (n° 1395 F-D), Dessel c/ SAS Fluidap.)
Si le salarié doit, en principe, pouvoir conserver le véhicule, des questions peuvent se poser quant à la date exacte de cette restitution, notamment en cas de préavis non exécuté. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « (…) la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé, que celui-ci fasse suite à une démission ou un licenciement, ne doit entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail (….) le salarié dispensé de l'exécution de son préavis n'était pas tenu de restituer l'avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, qui correspondait à l'application normale de son contrat de travail » (Cass. soc. 8 mars 2000, n° 1158 P, Volmers c/ SA Lafarge couverture.)
Ainsi, le salarié peut continuer à l'utiliser pour son usage personnel jusqu'à la date à laquelle le contrat de travail prend fin, confirmant sa jurisprudence antérieure (Cass. soc. 10 décembre 1996 n° 4790 D, Izabelle c/ SARL Acco France : RJS 1/97 n° 31. ; Cass. soc. 4 mars 1998 n° 1139 P, SA Apia c/ Maneche : Bull. civ. V p. 87 n° 117. ) ou prétendre à ce titre à une indemnisation (Cass. soc. 12 juillet 1989 n° 3063 D, Gisbert c/ Groupement français de construction ; Cass. soc., 4 mars 1998 : JurisData n° 1998-000919) ; Cass. soc. 25 octobre 2007 n° 06-43.201 Audin c/ SA Sodifrance.)
b / A l’occasion de l’exécution du contrat de travail
Le retrait d’un véhicule de fonction est une privation d’un avantage en nature constituant une modification du contrat de travail (Cass. soc. 14 juin 2007 n° 06-40.877 (n° 1395 F-D), Dessel c/ SAS Fluidap ; Cass. soc. 27 avril 1984, Ent. Robert c/ Bacouillard et autre. )
Le retrait du véhicule de fonction constitue une sanction pécuniaire prohibée (Cass. soc. 12 décembre 2000, n° 4985 FS-P, Portanguen c/ Sté Cecorev )
Dans ces conditions, les juges peuvent prononcer la résolution du contrat de travail aux torts de l'employeur lorsqu'ils relèvent que celui-ci, en retirant son véhicule de fonction au salarié, l'a mis dans l'impossibilité d'accomplir son travail. (Cass. soc. 7 mars 1996, n° 1056 D, Sté JPC Entretien c/ Pinza). Le fait que le véhicule soit en réparation est sans incidence dans la mesure où il appartient à l'employeur, soit de fournir un véhicule de remplacement au salarié, soit de lui verser une indemnité lui permettant de disposer d'un autre véhicule. (CA Versailles 3 novembre 2004 n° 02-2146, 11e ch., SA Huis clos c/ Christophe.)
De même, la prise d'acte par l'intéressé de la rupture du contrat en raison de cette suppression produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Metz 13 décembre 2004 n° 01-945, ch. soc., Centre de gestion et d'études de l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés du Nord-Est c/ Constantin. ; CA Paris 26 mars 2008 n° 06-10271, 22e ch. A, Sté Abyss c/ Ghallab.)
Qu’en est-il en cas de suspension du contrat de travail ? L’employeur peut-il reprendre le véhicule de fonction du salarié arrêté pour maladie ?
Une salariée est en arrêt de travail, d'abord pour maladie puis en raison de son état de grossesse. Elle saisit la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire du contrat de travail, puis par lettre du 20 novembre 2002, prend acte de la rupture du contrat de travail en reprochant à l'employeur la modification unilatérale du contrat de travail résultant de la modification du taux de commissionnement et du retrait du véhicule mis à sa disposition. La Cour de cassation retient « qu'un véhicule de fonction, dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peut, sauf stipulation contraire, être retiré à l'intéressé pendant une période de suspension du contrat de travail » et « Ayant constaté que l'employeur avait repris, lors de l'arrêt de travail de [la salariée], le véhicule de fonction qui lui était attribué, la cour d'appel en a exactement déduit que ce comportement était fautif et a ainsi justifié l'allocation de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de cette privation ».(Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-43.996, FS-P+B, SARL Exelice c/ Guingand : JurisData n° 2010-002471)