Hausse du nombre de trimestres de cotisations, diminution du nombre de points à cotisation égale... A moins de disposer d'une épargne élevée, les années de retraite s'annoncent difficiles. Aussi le gouvernement fait-il tout pour inciter les seniors à travailler plus longtemps. Malgré la retraite à 60 ans.
Dossier réalisé par Laurence Allard le point 14/12/06 - N°1787
Il n'y aura pas de miracle : il faudra travailler plus longtemps. Collectivement, pour compenser le vieillissement de la population et l'allongement de la durée de la vie qui déséquilibrent les régimes de retraite par répartition. Individuellement si on le peut, pour s'assurer un niveau de vie à la retraite qui se rapproche de celui atteint à la fin de son activité professionnelle.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2020, le quart de la population (27,3 % précisément) aura plus de 60 ans et en 2050 le tiers. Si la génération du baby-boom a été à l'origine de la forte croissance de l'économie française de 1950 à 1990, l'affaiblissement du taux de natalité de cette même génération conduit à une situation où la proportion d'actifs dans la population française sera à peine égale à celle des inactifs. Un nombre toujours plus grand de personnes devra se partager un gâteau à peine plus gros, compte tenu de la faiblesse du taux de croissance de l'économie depuis dix ans. Conséquence : un cadre qui partira à la retraite en 2020 ne percevra que 56 % de son dernier revenu d'activité et 53 % en 2050, soit dix points de moins qu'au début des années 2000.
A changement d'époque, nouvelle politique. Après une décennie tournée vers la réduction de l'âge de départ à la retraite et la diminution du temps de travail, l'objectif du gouvernement aujourd'hui est d'améliorer le taux de l'emploi des seniors en favorisant leur maintien dans la vie active et en encourageant les entreprises à les recruter. Seulement 37,3 % des Français qui ont entre 55 et 64 ans occupent aujourd'hui un emploi. C'est moins que la moyenne de l'Union européenne (41 %) et beaucoup moins que certains pays comme la Suède, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Espagne (voir tableau page 103).
L'âge moyen de départ à la retraite est actuellement de 58 ans et quatre mois, soit près de deux ans de moins que l'âge légal. Un surcroît de dépenses pour les régimes de retraite qui représente, selon les calculs du ministre de l'Emploi, Jean-Louis Borloo, 15 % des prestations versées.
Il faut dire que l'on a tout fait pour. Afin d'abaisser le taux de chômage en France, on nous a expliqué pendant des années qu'il suffisait de mettre « les vieux » à la retraite. On a développé la culture du « jeunisme » : après 45 ans, on n'est plus bon à rien. Pour augmenter la productivité, les entreprises n'ont eu de cesse de faire faire le travail des seniors par des jeunes payés deux ou trois fois moins. Résultat : la probabilité d'embauche après 50 ans est près de deux fois inférieure à celle des 30-49 ans. Seulement un tiers des chômeurs dans cette classe d'âge retrouve un emploi.
Pour combler le trou de l'assurance vieillesse, plusieurs solutions :
- Relever les taux de cotisations et le nombre d'années de cotisations. Le comité d'orientation des retraites pourrait, dès le 1er semestre 2007, rendre un avis en ce sens. D'autant que le fonds de réserve des retraites est loin de disposer des sommes suffisantes permettant de combler le trou de l'assurance vieillesse.
- Augmenter l'âge de la retraite : la plupart des pays voisins s'y sont résolus.
- Laisser faire et compter sur les régimes par capitalisation pour combler le trou. La création du plan d'épargne retraite populaire (PERP) ou du Perco dans les entreprises va dans ce sens. Mais la solution n'est pas à la hauteur du problème et tous les Français n'ont pas les moyens d'épargner pour leur retraite.
Restent les incitations à l'emploi. Depuis 2003, le gouvernement multiplie les mesures en ce sens : resserrement des dispositifs publics de préretraite, interdiction de la mise à la retraite d'office des moins de 65 ans, loi sur la formation tout au long de la vie...
Jean-Louis Borloo franchit une nouvelle étape avec le plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors 2006-2010. L'objectif - reprise des souhaits formulés par le Conseil européen à Lisbonne - est de porter dans quatre ans le taux d'emploi des seniors à 50 %. Pour ce faire, le ministre de l'Emploi offre de nouvelles possibilités : retraite progressive, création d'un CDD senior, cumul emploi-retraite...
Mais, au-delà de mesures ponctuelles, c'est un état d'esprit qu'il faut changer. La campagne diffusée d'abord à la télévision, puis à la radio et dans la rue vise à rehausser l'image des seniors, à changer les mentalités.
Les entreprises, principales intéressées, se montrent sceptiques. Aussi, au-delà de ces mesures, les Français devront individuellement se préoccuper de leur retraite. Soit en créant leurs propres sources de revenus - la création de petites entreprises par les seniors n'a jamais été aussi forte -, soit en mobilisant à cette intention leur épargne. Un marché dont les établissements financiers ne comptent pas se priver !