Un projet de mise en place d'un entretien annuel d'évaluation qui est susceptible d'avoir une incidence sur la rémunération et dont les enjeux sont manifestement de nature à générer une pression psychologique sur les salariés entraînant des répercussions sur leurs conditions de travail relève du champ d'application de l'article L 236-2, alinéa 7, du Code du travail exigeant que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail soit consulté. Ce projet nécessite donc la consultation de ce comité préalablement à la saisine du comité d'entreprise.
CA Paris 3 novembre 2006 n° 06-6935, 14e ch. section B, Association pour la gestion du groupe Mornay Europe (AGME) c/ CHSCT de l'Association pour la gestion du groupe Mornay et a.
« (…) Considérant que l'article 2 du chapitre 1er de la loi du 2 janvier 1978 dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2004 intitulé « principes et définitions » dispose : « la loi s'applique aux traitements automatisés de données à caractère personnel ainsi qu'aux traitements non automatisés de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers » ; que le même article définit la notion de fichier comme « un ensemble structuré et stable de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés » ;
Considérant qu'au vu du dossier d'information constitué par l'employeur, le support d'entretien annuel est un document manuscrit, établi contradictoirement le jour de même de l'entretien individuel comportant des données à caractère personnel dont un exemplaire est remis à l'intéressé et un autre est conservé par la direction de l'AGME, que dès lors, il constitue à l'évidence un traitement non encore automatisé de données propres à chaque salarié mais appelées à figurer dans un fichier ; que c'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a dit que ce support devait faire l'objet d'une déclaration simplifiée à la Cnil et que le comité d'entreprise a légitimement demandé à la direction de justifier de cette déclaration avant de donner son avis ;
Et considérant que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté en application de l'article L 236-2 alinéa 7 « avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail notamment avant... toute modification des cadences ou des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail » ;
Considérant que la mise en oeuvre du projet d'évaluation annuel des salariés dont le caractère n'est pas anodin, la direction ayant d'elle-même renoncé à le mettre en place il y a quelques années, concerne 2 300 salariés ; qu'au vu des documents produits par l'AGME notamment deux numéros du journal interne « temps réel » (n° 29 et n° 32) consacrés au sujet, l'organisation sur une demi-journée des sessions de formation et d'information par groupes de 25 salariés, animées par un représentant de la DRH et un consultant externe avec « pour objectif d'impliquer et de mobiliser les évalués de manière à les rendre acteurs de leur propre entretien d'évaluation » n'est pas neutre et risque de générer des tensions au sein du personnel ; que la simple lecture du guide de préparation met en évidence également les conditions stressantes de cet entretien d'évaluation d'une durée de 1 h/1 h 30 auquel le salarié est convoqué quinze jours à l'avance dans la perspective de s'y préparer ;
Que par ailleurs, les critères d'appréciation, notamment la fixation d'objectifs, le respect des délais déterminés par le responsable auront nécessairement un impact sur le comportement du salarié et sa rémunération, son évolution de carrière étant en jeu ; qu'ainsi, à la question posée par les organisations syndicales relatives à ce projet « quel est le lien entre les objectifs individuels et la rémunération » la réponse de la direction exclut dans un premier temps tout lien en ces termes : « le processus de l'entretien annuel est déconnecté des décisions concernant la rémunération » avant d'admettre dans un second temps « cependant, l'entretien permettra sur la durée une meilleure cohérence entre les décisions salariales ou de promotion et l'accomplissement des objectifs » (réunion du comité d'entreprise du 27 septembre 2005) ; que les incidences de l'entretien sur la rémunération sont tellement évidentes que la direction indique elle-même expressément lors de la séance du 19 janvier 2006 « l'entretien d'appréciation, si on parle rémunération, permet d'objectiver l'attribution ou les propositions d'augmentation ou les non-propositions d'augmentation » ;
Que les enjeux de cet entretien sont manifestement de nature à générer une pression psychologique sur les salariés entraînant des répercussions sur leurs conditions de travail ;
Que dès lors, le projet de mise en place d'entretien individuel exige la consultation préalable du CHSCT à la saisine du comité d'entreprise »