Selon la jurisprudence, par une obligation de résultat, l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.
Par ailleurs, le harcèlement, se caractérise, selon l'article L 122-49 recodifié 1152-1 du code du travail, par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles notamment d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, C’est donc logiquement que par un arrêt rendu en formation plénière, la Cour de cassation étend l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur en matière de sécurité et de santé au cas du harcèlement moral. (Cass. soc. 21 juin 2006 n° 1733 FS-PBRI, B. c/ Bourlier et a.) :
« Attendu, cependant, que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité»
A la suite d'un accident du travail, une salariée occupant des fonctions de responsable de rayon est déclarée apte à reprendre son poste, le médecin du travail proscrivant durant trois mois que durant trois mois le port de charges lourdes et la station debout. La salariée était victime de rechutes en relation avec l’accident initial. Suite à son refus de différents postes de reclassement, la salariée était licenciée. Elle saisit le Juge prud’homal, arguant de l’existence d’un harcèlement moral. Proposer des postes de reclassement de niveau inférieur et incompatibles avec les prescriptions du médecin du travail constituerait-t-il un un harcèlement moral ?
L'employeur soutenait que « qu'aux termes des dispositions conventionnelles, le poste de responsable de rayon nécessite que son titulaire assure la responsabilité de « la gestion quotidienne, de l'organisation et de l'approvisionnement de la gamme de produits suivant les critères établis dans la société » et doive « assurer, au sein du rayon, la coordination du travail au quotidien » ; qu'en jugeant que le poste de responsable de rayon excluait la réalisation de tâches de manutention, de sorte que Madame X... aurait dû être réintégrée à un tel poste, sans rechercher s'il ne résultait pas des règles établies dans la société que le responsable de rayon doive effectuer des tâches de manutention, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions conventionnelles régissant le poste de responsable de rayon »
Après avoir précisé « (…) qu'il n'est fait nulle mention dans la liste des fonctions incombant au Responsable de rayon, telle qu'elle résulte des dispositions conventionnelles précitées, de tâches de manutention, même de façon implicite ou allusive » la cour de Cassation relève que l’employeur « a cependant sans cesse imposé à la salariée, contre son gré, la réalisation de tâches de manutention lourde, à la suite de quoi madame X... s'est trouvée victime d'un accident du travail, le 19 décembre 2002, à l'origine de se nombreux arrêts de travail ; que si madame X... a repris, à l'issue de chacun de ses arrêts de travail, son poste de Responsable de Rayon, son employeur ne lui en a pas moins imposé, au mépris des prescriptions du médecin du travail, d'effectuer des tâches de manutention lourdes étrangères à sa fonction, provoquant à chaque fois un nouvel arrêt de travail et un nouvel avis du médecin du travail confirmant l'inaptitude de l'intéressée à effectuer de telles tâches »
Suite au nouvel avis du médecin du travail, l’employeur « a proposé à de nombreuses reprises et de manière insistante à madame X..., en arguant du danger auquel était exposée sa santé, des postes d'un niveau inférieur à celui d'agent de maîtrise ; qu'elle lui a plus particulièrement proposé à cinq reprises le poste d'hôtesse au Service Clients, les 16 et 21 novembre 2004 ainsi qu' en avril 2005, qui était certes assorti du maintien de sa rémunération antérieure, mais qui impliquait un mouvement continu des bras, incompatible avec les préconisations du médecin du travail »
La Cour de cassation en déduit que « l'employeur, ne tenant aucun compte des avis du médecin du travail et agissant au mépris de son obligation de sécurité de résultat, a mis en péril la santé de madame X... et a tiré argument de ce péril qu'il avait lui-même créé pour exercer sur la salariée des pressions insistantes et répétées tendant à lui faire accepter des fonctions de niveau inférieur impliquant une baisse sensible de sa rémunération ou incompatibles avec son état de santé ; que l'ensemble de ces faits apparaissent de nature à faire présumer que madame X... a subi de la part de la société LEROY MERLIN FRANCE des agissements répétés ayant eu pour objet et pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé et de compromettre son avenir professionnel (…) qu'il suit de tout ce qui précède ainsi que des explications des parties et des pièces qu'elles ont produites aux débats que madame X... a été victime de harcèlement moral »
Le fait pour un employeur d'imposer au salarié de manière répétée, au mépris des prescriptions du médecin du travail, d'effectuer des tâches de manutention lourde qui avaient provoqué de nombreux arrêts de travail puis de proposer à plusieurs reprises un poste d'un niveau inférieur lui-même incompatible avec les préconisations du médecin du travail est donc constitutif d'un harcèlement moral ( Cass. Soc. 28 janvier 2010 n° 08-4é.616)