Cass. Soc. 20 février 2008 n° 05-45.601
Un employeur réserve l’attribution de titres-restaurant à la seule catégorie des salariés non cadres : cette restriction doit être appréciée au prisme du principe d’égalité de traitement qui interdit d’établir entre des salariés se trouvant dans la même situation ou dans une situation similaire une différence de traitement, sauf à démontrer l’existence de raisons objectives et pertinentes.
La Cour de cassation rappelle que la seule différence de catégorie professionnelle ne justifie pas une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique.
« (…) Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une certaine somme au titre des tickets-restaurants, alors, selon le moyen, qu'un employeur est fondé à réserver l'attribution de titres-restaurant à la seule catégorie de salariés non-cadres, une telle disparité de traitement reposant sur des raisons objectives exclusives de toute discrimination ; qu'ayant constaté que la société Alain Y... réservait le bénéfice de titres-restaurant aux seuls salariés non cadres, la cour d'appel qui a néanmoins considéré que tous les salariés qui disposaient d'un restaurant interentreprises devaient bénéficier d'un avantage équivalent a violé les articles L. 133-5-4°, L. 136-2-8° et L. 140-2 du code du travail ensemble les dispositions de l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 ;
Mais attendu que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ;
Et attendu que la cour d'appel a exactement décidé que l'employeur qui avait réservé l'octroi de tickets-restaurant au seul personnel non-cadre de son entreprise ne justifiait ainsi d'aucune raison objective et pertinente pouvant légitimer cette disparité ; que le moyen n'est pas fondé »
La Cour de cassation avait statué dans le même sens concernant un employeur qui restreignait le bénéfice des titres-restaurants à une catégorie de personnel sédentaire (Soc 16/11/2007 n° 05-45438) :
« Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes d'Argenteuil, 30 septembre 2005), que MM. X..., Y... et Z..., au service de la société Transports du Val-d'Oise (la société TVO) en qualité de conducteurs receveurs, ont saisi la juridiction prud'homale pour faire condamner l'employeur à leur verser des dommages-intérêts réparant le préjudice à eux causé par la privation des tickets-restaurants dont bénéficiaient d'autres salariés de l'entreprise ;
Attendu que la société TVO fait grief au jugement attaqué de l'avoir condamnée à verser des dommages-intérêts à chacun des salariés, alors, selon le moyen :
1 / que ne constitue pas une mesure discriminatoire le fait pour un employeur de subordonner l'octroi d'un avantage en nature résultant d'un engagement unilatéral de sa part à des conditions particulières, dès lors que tous les salariés de l'entreprise peuvent bénéficier, dans les mêmes conditions, de l'avantage ainsi accordé ; qu'en l'espèce, la société TVO expliquait qu'elle n'accordait pas de titres restaurants aux conducteurs receveurs, dans la mesure où ceux-ci travaillaient sous forme de cycles organisés en un service unique, soit le matin soit l'après-midi, de telle sorte qu'ils étaient libres de déjeuner à leurs domiciles (puisque n'ayant pas encore pris leur travail (services de l'après-midi) ou l'ayant terminé définitivement pour la journée (services du matin)) ; qu'en ne précisant pas si les salariés appartenant à la catégorie des "agents d'ambiance" étaient eux aussi soumis à ce rythme spécifique d'horaires de travail sous forme de cycles et de service unique, le conseil de prud'hommes n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-5,4 et L. 136-2,8 du code du travail ;
2 / que les salariés conducteurs receveurs, demandeurs à l'action, n'avaient pas allégué avoir fait l'objet d'une discrimination par rapport aux agents d'ambiance, ni n'avaient soutenu que ces personnels auraient travaillé dans les mêmes conditions qu'eux ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la société TVO ne justifiait ni des horaires ni des fonctions assignées aux "agents d'ambiance" permettant de les assimiler au personnel sédentaire, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, le conseil de prud'hommes a violé les articles 4 et 16 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que dans une procédure orale, les moyens et prétentions sont présumés, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce, avoir été contradictoirement débattus à l'audience ;
Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que d'autres salariés non sédentaires de l'entreprise -les agents d'ambiance- bénéficiaient pour leur part de tickets-restaurant, en sorte que le critère de sédentarité avancé pour refuser cet avantage aux conducteurs-receveurs ne constituait pas un élément pertinent, et que l'employeur ne justifiait d'aucun autre critère d'attribution des titres litigieux, le conseil de prud'hommes a fait ressortir que la preuve d'éléments objectifs de nature à justifier la différence de traitement entre les salariés n'était pas rapportée »
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