Cass. Soc. 10 juin 2008 n° 06-46.000 P + B + R
A la suite de la décision de la Compagnie AIR Francede reprendre les vols vers l’Algérie, le syndicat UGICT-CGT a invité le personnel navigant à exercer leur droit de retrait sur ces vols, droit reconnu par l'article L 231-8-1 recodifié L 4131-1du Code du travail, au cas de danger grave et imminent menaçant leurs vie ou leurs santés.
L’enquête de l’Inspection du travail excluant tout risque de danger grave et imminent, le personnel navigant fait valoir le devoir d’abstention imposant « aux membres de l'équipage ressentant une déficience quelconque pouvant leur faire croire qu'ils ne rempliraient pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de leurs fonctions ». La direction sanctionne par la suppression de la prime de vol pour le personnel navigant technique et par une retenue de salaire d’un trentième de salaire pour le personnel navigant commercial.
La Cour de cassation retient d’abord que l’employeur n'a pas à supporter les conséquences de l'exercice du devoir d’abstention, à défaut de précision expresse du décret du 11 juillet 1991 :
« Vu l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret du 11 juillet 1991, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour faire défense à la société Air Franced'appliquer une retenue sur la rémunération des membres du PNC s'abstenant de vol en application de l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret susvisé et pour la condamner au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu qu'il incombe aux compagnies aériennes de prendre toute mesure propre à assurer la protection des biens et des personnes, passagers transportés et personnel, sans distinguer entre navigants techniques et navigants commerciaux, l'objectif étant de garantir la sécurité à bord des avions ; que l'article 3.1.3 crée pour le salarié une obligation de s'abstenir de voler dès qu'il ressent un état de fatigue tel qu'il n'est plus en possession de tous ses moyens, ce qui pourrait avoir pour effet de mettre en danger les passagers et ses collègues de travail, peu important la nature de la défaillance ressentie ; et qu'il en résulte que le dispositif mis en place par le décret du 11 juillet 1991 crée un risque à la charge de la compagnie aérienne dont elle doit assumer les conséquences financières, sans pouvoir opérer de retenue sur le salaire du personnel navigant qui s'abstient d'exercer ses fonctions à la suite d'une déficience ;
Attendu cependant, que lorsqu'un salarié n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; que l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret du 11 juillet 1991 ne prévoit pas qu'un membre d'équipage qui n'exécute pas ses fonctions en raison de la déficience qu'il ressent a droit au paiement du salaire lié à l'exercice de ces fonctions »
Bien que la sanction ait été différente pour le personnel navigant technique et le personnel navigant commercial, la Cour de cassation considère qu’il n’y a pas atteinte au principe d’égalité de traitement
« la différence de traitement appliquée à ces deux catégories de personnel s'expliquait par une différence dans le mode de rémunération et alors qu'il lui revenait de rechercher si les retenues opérées aboutissaient à des résultats équivalents au regard du mode de rémunération applicable à chacune des deux catégories de personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard du principe susvisé »
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