La CFDT fourbit ses propositions pour Matignon
Convié jeudi par Villepin, le syndicat dénonce une politique de l'emploi «mal ciblée».
Par Judith RUEFF LIBERATION mardi 12 décembre 2006
Question : à quatre mois et demi de la présidentielle, est-ce bien le moment de s'asseoir autour d'une table pour trouver des solutions à l'un des problèmes qui préoccupe le plus les Français ? Réponse de la CFDT, conviée après-demain par le Premier ministre à une conférence sur l'emploi et les revenus : sans doute pas, mais puisque nous sommes invités, nous avons quelques idées sur la question.
Moratoire. Au rayon des «mesures concrètes à court terme», la centrale syndicale veut s'attaquer aux trois gros postes qui plombent le budget des ménages : logement, santé et transport. En attendant que les 900 000 logements sociaux promis par Borloo sortent de terre, elle lance l'idée d'un moratoire sur les loyers des centres-ville des grandes agglomérations, devenus hors de prix. «La difficulté, explique Gaby Bonnand, chargé de la protection sociale à la CFDT, c'est que l'inflation des loyers se nourrit des aides au logement de l'Etat.»
Pour alléger les dépenses de santé, la confédération demande au gouvernement de soutenir, et de financer en partie, une mutuelle complémentaire pour tous (30 % des salariés n'ont pas de mutuelle). Enfin, Dominique de Villepin sera invité à renégocier la mise en oeuvre de son chèque transport. «Sur ce dispositif, on est dans le brouillard complet, regrette Gaby Bonnand. En gros, cela touche 100 000 personnes, rien à voir avec le chèque restaurant. Nous voulons des négociations par branches et par entreprises.»
Salariat pauvre. A plus long terme, la CFDT va profiter de l'occasion pour critiquer une mécanique bien française qui ne cesse, selon elle, de tirer l'emploi vers le bas. A coup d'exonérations de charges sociales pour les bas salaires, depuis une quinzaine d'années et tous gouvernements confondus, la France fabrique de l'emploi mal payé. Les jeunes diplômés paient les pots cassés, les entreprises préférant embaucher des salariés surqualifiés à moindres coûts. «Nous sommes le pays d'Europe qui déclasse le plus les individus», pour Gaby Bonnand, «30 % des jeunes qui ont un diplôme supérieur sont touchés, contre 7 % au Danemark.» La centrale de François Chérèque demande que les allégements de charges soient conditionnés à des engagements des entreprises.
La prime pour l'emploi est aussi à revoir : conçue comme une incitation à reprendre un travail, elle a été étendue aux smicards. Et un levier dans la lutte contre le chômage est devenu une nouvelle aide aux salariés les moins bien lotis. Conclusion : le salariat pauvre, qui se développe avec l'explosion du temps partiel et des contrats de travail précaires, est encore alimenté par des politiques de l'emploi «mal ciblées». Et la CFDT rappelle que, selon le tout récent rapport du Cerc (1) qui va servir de base aux discussions jeudi, 20 % des salariés français peuvent être considérés comme «pauvres» avant transferts sociaux.
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